L’événement annuel s’est tenu en présence de scénaristes et de réalisateurs représentant les cinq alliances continentales qui intègrent la Confédération internationale.
Mercredi 9 juin dernier a eu lieu le congrès annuel de la Confédération internationale des auteurs audiovisuels (AVACI). La rencontre s’est déroulée par le biais de la plateforme professionnelle Zoom et a réuni des réalisateurs et scénaristes du monde entier.
Il est important de mentionner que c’est la première fois qu’un congrès d’auteurs audiovisuels est traduit simultanément en six langues (espagnol, anglais, français, portugais, coréen et russe). L’événement a ainsi pu être suivi sans difficulté, surmontant les barrières de la langue et de la distance sociale qui n’a pas permis à la rencontre de se tenir de manière présentielle du fait des restrictions imposées par la pandémie.
Des représentants des cinq alliances continentales membres d’AVACI étaient présents : FESAAL (Fédération des sociétés d’auteurs audiovisuels latino-américains), APASER (Alliance panafricaine de scénaristes et réalisateurs), les alliances Asie-Pacifique, Eurasie et Europe ; ainsi que de nombreux auteurs audiovisuels originaires de différents pays.
C’est Horacio Maldonado (réalisateur et scénariste, secrétaire général de la FESAAL, Argentine) qui a assuré la présentation de l’événement, au cours de laquelle ont été nommés le Conseil exécutif fondateur d’AVACI et le Comité technique. « C’est une journée historique : pour la première fois, des auteurs audiovisuels se réunissent au sein de leur propre confédération internationale. »
Lors de la première table ronde du Congrès, Gilles Cayatte (réalisateur et membre de la SCAM, France), qui a également modéré la rencontre, a indiqué : « il est important que tous les auteurs, qu’ils appartiennent ou pas à des associations, rejoignent AVACI ».
« Nous avons encore beaucoup à faire en Europe pour que d’autres associations puissent rejoindre AVACI » ; « nous aimons beaucoup l’idée que des auteurs de tous les pays puissent s’unir afin que nos voix soient mieux entendues qu’auparavant. C’est pour cela que nous avons rejoint AVACI et que nous souhaitons que d’autres sociétés nous rejoignent. » « Les évolutions technologiques ne sont pas toujours évidentes pour les auteurs audiovisuels ; cependant, le futur est dans la technologie qui est de plus en plus présente dans notre travail. »
Danilo Šerbedžija, réalisateur et membre de DHFR (Croatian Film Directors Guild, Croatie) a ajouté : « je crois que nous sommes sur la bonne voie, et que de plus en plus d’organisations vont rejoindre cette confédération. Les gens ont toujours peur de ce qui est nouveau. Nous ne sommes les ennemis de personne, nous pouvons travailler ensemble car nous avons les mêmes objectifs ». Il a également fait part de son inquiétude face à la situation actuelle des droits audiovisuels dans son pays, du fait d’un projet de loi qui protège les grandes plateformes à la demande, au détriment des droits à rémunération des auteurs.
Geigy Lung, conseillère principale de l’OMPI (Organisation mondiale de la propriété intellectuelle – www.wipo.int), une institution des Nations Unies dont le siège est à Genève, a également pris part au congrès. « À l’OMPI, nous sommes là pour vous soutenir dans votre travail. » a-t-elle dit aux participants. Elle a ensuite fait une série de propositions, parmi lesquelles la mise à jour du droit d’auteur dans l’environnement numérique. Elle a aussi proposé des stratégies opérationnelles de négociation collective pour résoudre les conflits qui apparaîtraient à court et moyen terme. Mme Lung a appelé de ses vœux l’organisation collective et a proposé le soutien et les conseils juridiques de l’infrastructure de l’OMPI. « Nous espérons que les auteurs audiovisuels pourront consolider leurs objectifs pour l’avenir. »
Janine Lorente, professionnelle du droit d’auteur, reconnue au niveau international pour son travail de défense des auteurs audiovisuels et conseillère internationale d’AVACI, est quant à elle revenue sur les événements récents en Europe en matière de droits de transmission ainsi que sur les conflits actuels avec les grandes plateformes, causés par l’absence d’un cadre légal. « Dans les pays européens ayant une importante production audiovisuelle, il était fréquent que les auteurs cèdent leurs droits dans le monde entier en contrepartie d’un montant fixe », a-t-elle expliqué. « Vous avez su voir que le moment était venu d’harmoniser une base minimale de droits légitimes pour les scénaristes et réalisateurs, alors que nous assistions à la mondialisation de ces questions. » a-t-elle dit aux participants du congrès. « Essayons de contrôler les contrats. Nous devons aider les réalisateurs et scénaristes, qui sont seuls et n’ont pas les moyens de dire non » a proposé Mme Lorente. Avant de terminer son intervention, elle a mentionné l’Espagne, l’Argentine, la Colombie, le Chili et l’Uruguay comme étant des « exemples de la manière dont il est possible d’élaborer une loi pour obtenir le droit à rémunération pour les auteurs audiovisuels ».
En représentation de l’alliance Eurasie, Alexey Aleshkovsky (scénariste et vice-président du syndicat des scénaristes de Russie) et Huseyn Mehdiyev (réalisateur, président de AzDG, Azerbaïdjan) ont souligné l’importance et le caractère historique de cette rencontre et expliqué brièvement la situation de leurs pays respectifs : « la Russie possède une administration très bureaucratique, et les modifications des lois connaissent de nombreux problèmes. Il existe une résistance passive. L’objectif principal est de créer cette organisation et de rechercher des soutiens, afin que nous puissions faire avancer cette initiative législative au Parlement ».
Miguel Ángel Diani (dramaturge et scénariste audiovisuel, président de ARGENTORES, Argentine) a contribué au débat sur le combat pour les droits d’auteur en prenant comme point de départ son histoire personnelle : « c’est un long chemin qui nous a menés à la création d’AVACI et à être réunis ici. Le combat des auteurs est un combat perpétuel. Il est important, et c’est également un devoir des dirigeants des sociétés de gestion, de former les futurs dirigeants de nos sociétés ».
Silvio Caiozzi (réalisateur et scénariste, président d’ATN, Chili) a rappelé l’adoption par un vote unanime au Congrès national de la loi portant le nom de Ricardo Larraín, en hommage au réalisateur et scénariste chilien décédé en 2016. « Je n’aurais jamais imaginé être témoin de la création de cette grande confédération, ni participer à une rencontre mondiale comme celle-ci. »
Laza Razanajatovo, président d’APASER (Alliance panafricaine de scénaristes et réalisateurs – www.apaser.org), originaire de Madagascar, a parlé de l’absence d’un cadre légal favorable aux droits des auteurs audiovisuels sur son continent. « Je suis heureux et fier de prendre part à ce que nous sommes en train de créer ensemble » a-t-il dit en ouverture de son propos. « Pour nous, la route est longue. C’est pour cela que je pense qu’AVACI est une très bonne nouvelle pour l’Afrique. » Il a également indiqué qu’« AVSYS est la réponse à nos problèmes, en particulier à notre recherche de solutions répondant aux besoins de nos réalisateurs et scénaristes ».
Sergio Rentero, PDG de Laboratorios Gotika, a parlé du « Plan Recuperar », un projet de conservation numérique de films argentins, ainsi que de l’avenir des auteurs audiovisuels dans un paradigme dans lequel l’intelligence artificielle est devenue pour ces auteurs un outil d’élaboration des histoires : « les méthodes actuelles n’étaient pas suffisantes pour sauver les films. Cela nous a conduits à nous intéresser à l’intelligence artificielle afin de pouvoir reconstituer des œuvres qui méritent d’être vues telles que l’auteur les a pensées. Au cours de ce travail, nous avons commencé à entrevoir un avenir dans lequel les paradigmes de la création de l’œuvre ainsi que de la place occupée par l’auteur audiovisuel vont changer ».
Pour l’Asie Pacifique, Yoon Jung Lee, représentante de DGK, Corée du Sud, a souligné l’importance de nouer des alliances avec des réalisateurs et scénaristes reconnus et influents, ayant un impact dans les médias, afin de pouvoir faire avancer le combat pour la reconnaissance du droit des auteurs audiovisuels dans nos pays. « Il est également nécessaire que les grandes sociétés invitent ces auteurs à adhérer à leurs sociétés locales afin de les renforcer. »
Anjum Rajabali, scénariste et président de SRAI – Scénaristes d’Inde, a affirmé que l’initiative d’une confédération internationale d’auteurs audiovisuels « est une idée qui permet d’entrer définitivement dans le futur ». « Il y a tellement d’industries cinématographiques qui connaissent différentes situations de fragilité que nous devons nous assurer d’être en mesure de nous inciter à nous réunir, c’est-à-dire, avoir une configuration plus large, pour que cela puisse se transformer en quelque chose de mondial dans lequel nous pouvons tous nous soutenir. »
La clôture du congrès s’est faite sous la forme d’une table ronde qui, pour la première fois, a abordé le sujet des droits des scénaristes et réalisateurs au niveau international quand ces derniers sont engagés et travaillent dans des projets produits et principalement destinés à sortir, être diffusés et commercialisés sur les plateformes de streaming.
Hrvoje Hribar, membre de DHFR Croatie et du conseil d’administration de FERA (Federation of European Screen Directors – https://screendirectors.eu/), a mis en avant la nécessité d’établir des alliances internationales pour survivre dans le contexte actuel : « les nouveaux acteurs, les streamers, ont une grande influence, ils vont changer les règles du jeu. Il faut préserver l’espace créatif du réalisateur face à cet ensemble de règles qui va s’imposer avec l’arrivée de ce capitalisme des streamers. Ces nouveaux géants, ce modèle de « showrunner » est un peu différent, ce n’est pas celui des États-Unis ; il est différent et nous devons savoir comment agir face à ce nouveau paradigme ».
De même, Daniella Castagno (scénariste et vice-présidente d’ATN, Chili) a dressé un panorama professionnel de l’audiovisuel dans son pays et a insisté sur les inégalités persistantes entre hommes et femmes. « La différence de salaires entre hommes et femmes au Chili est un sujet qu’il faut traiter et auquel il faut apporter des réponses de toute urgence. » Elle a conclu en assurant qu’« aujourd’hui, avec AVACI, nous avons la possibilité de raconter la plus importante de toutes les histoires : l’histoire de la reconnaissance de nos droits ».
Martín Saban (réalisateur, Disney International, Argentine) a quant à lui parlé des moyens permettant d’améliorer les conditions des auteurs face aux exigences des sociétés de productions et de faire valoir le droit d’exercer un contrôle sur ses propres œuvres. Il a mis en avant le fait que « nous, [les auteurs audiovisuels] sommes confrontés à des défis de plus en plus importants, et nous souhaitons que cela se fasse au bénéfice du secteur audiovisuel, en améliorant la qualité des travaux auxquels nous participons et en permettant de meilleurs résultats. En définitive, ce que nous faisons, c’est chercher à élever le niveau vers la nouvelle manière d’exercer l’audiovisuel que nous connaissons aujourd’hui et qui est de plus en plus présente ».
Avec une participation record d’auteurs audiovisuels lors du congrès en ligne, il a été annoncé que, si la situation de la pandémie le permet, le prochain congrès se tiendra en 2022 de manière présentielle dans la ville de Séoul, en Corée du Sud. Il sera l’occasion de manifester aux auteurs coréens le soutien mondial de leurs collègues afin de demander aux autorités locales de reconnaître pleinement le droit d’auteur pour l’ensemble des réalisateurs et scénaristes de Corée du Sud.
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